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L’association est heureuse de vous présenter aujourd’hui son parrain, Bernard Anselem ! Bernard Anselem est médecin, master de recherche en neuropsychologie, spécialisé dans les neurosciences des émotions, de l’adaptation au changement et des motivations. Egalement auteur et conférencier, Bernard Anselem nous apprend à obtenir le meilleur de notre cerveau.

Bernard Anselem, parrain de Skin, nous apprend à obtenir le meilleur de notre cerveau

Bonjour Bernard, présentez-nous plus précisément vos activités et vos domaines de prédilection.
 
Mon but est de traduire en applications concrètes et en langage courant les recherches en neurosciences cognitives.
En travaillant pour un master de recherche en neuropsychologie des émotions, je me suis aperçu qu’une part importante des avancées trouvait une application pratique.
 
Face aux épreuves de vie, connaitre les lois des fonctions cérébrales, n’est pas un luxe, c’est indispensable. Nous tentons de nous adapter au mieux, mais nous nous épuisons souvent dans des stratégies inappropriées et sous estimons d’autres potentiels.
 
Ce qui m'intéresse est de faire passer des connaissances utiles et concrètes pour progresser, apprendre aux gens à tirer le meilleur d'eux-mêmes, et utiliser au mieux leurs compétences dans les domaines de : 
 
• l’intelligence émotionnelle et relationnelle,
• la prise de décision en situation complexe,
• l’adaptation au changement permanent,
• la résistance au stress,
• les motivations résistantes à l’épuisement,
• la créativité et l’apprentissage
 
L’idée est de comprendre nos capacités à progresser individuellement et ensemble, de connaître les limites de nos réseaux cérébraux et de tirer parti de l’ensemble de leurs potentialités sous-exploitées.
 
Vous avez accepté spontanément de devenir parrain de notre association. Nous vous en sommes profondément reconnaissants. Dites-nous ce qui a motivé votre décision.
 
En tant que médecin, ma motivation principale est avant tout d’être utile, et je suis plus particulièrement sensible aux questions de croissance post traumatique car de nombreuses études ont montré qu’il était possible de dépasser des épreuves déstabilisantes par différentes stratégies cognitives et émotionnelles.
De plus j’ai longtemps été impliqué dans les démarches de dépistage et de suivi des pathologies du sein, j’ai pu mesurer l’importance de la dimension psychique de ces épreuves.
 
Enfin je m’intéresse aussi aux thérapies par les activités artistiques et je suis musicien amateur, votre démarche me touche donc à plusieurs titres. 
 
Quel est l’intérêt des neurosciences cognitives pour affronter l’adversité ?
 
Les neurosciences cognitives permettent de mieux se comprendre, mieux comprendre les autres, et de sélectionner les stratégies compatibles avec les besoins de nos réseaux, ou d’éviter les démarches inefficaces. Un exemple : connaitre les mécanismes émotionnels permet de se concentrer sur les stratégies performantes et d’oublier les injonctions spontanées inefficaces.
 
En révélant les contraintes et potentiels qui dirigent les mécanismes de nos émotions, mémoire, fonctions exécutives, attention, fonctions relationnelles, prise de décision, motivation, conscience, elles nous éclairent sur les meilleures stratégies. Cette connaissance nous donne un degré de liberté supplémentaire sur ce qui est à notre portée (ou pas).
 
Plus encore, en montrant concrètement ce qui comble nos réseaux de récompense, elles renforcent nos motivations et nous aident à trouver du sens, du dépassement de soi pour surmonter les difficultés et aller plus loin dans une direction choisie par nous même.
 
2 personnes sur 3 touchées par le cancer estiment que l’après est plus difficile à vivre que la maladie* - les séquelles peuvent durer jusqu’à 20 ans après le diagnostic. Cela vous surprend-t-il ? Comment l’expliquez-vous ?
 
C’est un phénomène assez connu. Pendant l’épreuve (qu’il s’agisse d’une maladie, d’un conflit armé, d’une catastrophe naturelle ou d’un choc émotionnel) les personnes sont le plus souvent impliquées dans l’action, leur organisme est stimulé, dopé par les hormones du stress, leur mental est animé par une force instinctive de survie. Après coup, les préoccupations, les doutes et les angoisses reprennent le dessus et peuvent à l’extrême, mener à des désordres de type anxieux, dépressifs, phobiques ou addictifs, entre autres. C’est à ce moment que nous pouvons être efficaces, en prévention par des orientations et des activités, ou à posteriori par des suivis personnalisés.
 
Certains patients se relèvent plus facilement que d’autres. Comment expliquer cela ? Et comment aider les plus fragiles à surmonter leurs difficultés ?
 
C’est la question cruciale. Nous ne sommes pas tous égaux face au stress. Il existe des prédispositions génétiques, et des fragilisations par les événements de l’existence. Mais ce n’est à mon avis pas le plus important. Ce qui me semble fondamental, est la capacité d’adaptation de notre cerveau, elle est sous estimée et selon son orientation peut conduire à une récupération/croissance post-traumatique ou à l’inverse nous enfermer dans des schémas mentaux toxiques. L’immense apport des neurosciences et des psychologies cognitives est la démonstration de ces capacités d’adaptation, chez chacun de nous.
 
Après la bataille, on compte ses blessures.
 
Depuis 2012, Skin s’attèle à ce que les oncologues appellent familièrement « le syndrome de la blouse blanche », autrement dit le choc post-traumatique du cancer, à travers plusieurs axes :
La rencontre d’un patient avec un artiste (importance du lien à l’autre pour déculpabiliser, accepter notre mal-être, sortir de l’isolement et des idées noires)
Le projet de co-création (remise en mouvement, en action, accompagnement dans le temps, la bienveillance, le plaisir, libération de la parole et des émotions)
Le partage (avec le public au moment de la restitution des œuvres, mais aussi avec les patients hospitalisés et les personnels soignants. Importance du lien social)
Le contact avec l’art (expositions muséales, soirées au théâtre…)
La socialisation à travers des ateliers collectifs artistiques et bien-être
D’année en année, nous constatons les bienfaits que cela procure aux anciens patients. Comment expliquez-vous cela ?
 
Comme vous le mentionnez, la déculpabilisation, l’acceptation émotionnelle, et l’ouverture à une autre façon de voir les choses (à travers la rencontre avec d’autres sensibilités artistiques), sont des étapes indispensables. Ce sont des stratégies bien évaluées parmi les plus efficaces en thérapies cognitives mais aussi dans la population générale lors d’études recueillant des données de la vie courante (elles sont détaillées dans mon livre « ces émotions qui nous dirigent »)
L’autre dimension sur laquelle vous insistez est la relation à l’Autre, le lien relationnel, dont la force est également sous-estimée en dehors des milieux spécialisés. Ce lien active une partie de notre cerveau et nous transmet une énergie indispensable à notre équilibre.
 
Vous parlez aussi de co-création, la mise en action est à la fois une source de régulation émotionnelle et un formidable vecteur de sens et de motivation personnelle actif sur le long terme.
 
Nous disons que ces patients deviennent « co-créateurs de leur reconstruction ». En quoi la créativité les aide-t-elle selon vous à reprendre le dessus ?
 
La part d’action créatrice est une façon de mobiliser les ressources et les énergies vers un but structurant et positif, tout en tenant à distance les interprétations anxiogènes.
 
C’est aussi bien plus que cela, car en donnant un sens à une existence bouleversée, elle agit sur le long terme en structurant nos motivations profondes, nos objectifs, en donnant un cadre à notre vie mentale éprouvée par l’adversité et en orientant nos actions vers des schémas mentaux positifs.
 
Aujourd’hui, les neuroscientifiques reconnaissent le pouvoir de l’art, de la culture et du beau sur le cerveau. Jean-Pierre Changeux le premier disait que ‘l’art embrase le cerveau’ et parle de ‘beauté dans le cerveau’. Pierre Lemarquis soutient que l’art ‘sculpte et caresse notre cerveau’. Bernard Anselem, quels mots choisiriez-vous ?
 
L’art révèle le meilleur en nous et nous relie à l’autre par la plus sereine et la plus profonde des énergies.
 
J’aime beaucoup l’idée de l’embrasement, c’est vraiment ce que nous observons en imagerie cérébrale, de même que la notion de sculpture de nos chemins cérébraux…
 
Vous-même, Bernard, pratiquez-vous un art ? Si oui, quels bienfaits vous procure-t-il ?
 
Je joue dans deux groupes (bossa nova, blues, jazz et chanson française). Cette activité induit une énergie sereine et une connexion aux autres dont nous parlions quelques lignes plus haut. C’est ce que l’on appelle le « flow » en psychologie : être capté par une action prenante, épanouissante, énergisante, qui nous fait perdre la notion du temps et de l’espace et nous porte dans un « flow », un flux d’action épanouissante.
 
 
Donnez-nous votre définition personnelle de la résilience. 
 
Dans les milieux académiques l’une des définitions les plus retenues est celle du psychologue George Bonanno : la résilience est la capacité à maintenir un fonctionnement physique et psychologique sain et relativement stable après un événement traumatisant ou présentant un risque vital.
Personnellement je dirai que c’est l’art de transformer les cicatrices en ressources énergisantes
 
Et celle de la créativité ?
 
Nous possédons tous une incroyable bibliothèque de souvenirs, de connaissances et d’émotions plus ou moins enfouies. La créativité est cette capacité à relier ces expériences entre elles, nous sommes uniques, il faut en tirer parti pour relier cette singularité aux autres !
Merci Bernard de vous être prêté au jeu des questions-réponses et de nous avoir accordé votre temps. Nous le savons précieux.
 
*7ème rapport de l’Observatoire sociétal des cancers, publié par La Ligue contre le Cancer en octobre 2018
 
Pour aller plus loin
 
Ouvrages et sélection d’articles grand public
 
  • Ces émotions qui nous dirigent, éditions Alpen https://bit.ly/2OAhO7J > Apprendre à apprivoiser et utiliser ses émotions, épuisé, réédité en 2021
  • Je rumine, tu rumines, nous ruminons, éditions Eyrolles https://bit.ly/2yQ8hMR > Mettre à distance les pensées nocives et les remplacer par des actions constructives
  • Les talents cachés de votre cerveau au travail » Editions Eyrolles 2019 http://bit.ly/2QmSkIk Décisions, émotions motivation, adaptation au changement et intelligence relationnelle sous la double approche des neuropsychologies et de la pratique professionnelle
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